
Les entreprises africaines ont un potentiel immense pour s’imposer sur la scène internationale. 150 milliards de Dollars de revenus cumulés, c’est ce que pèsent les dix premières entreprises africaines. Et pourtant, malgré ce chiffre séducteur,la réalité est peu reluisante comparée à l’Asie et l’Occident. Dans un monde de plus en plus compétitifs, les entreprises du continent ont du mal à se frayer un chemin à l’international. Le géant de la télécommunication sud africain MTN,seul exception à la règle. Les entreprises africaines peuvent revoir leur stratégie d’implantation à l’international. Voici 05 stratégies pour construire une entreprise africaine compétitive à l’international.
1. Comprendre le marché international
1.1. Analyse des marchés cibles
Avant de s’implanter à l’étranger, les entreprises africaines doivent analyser leurs marchés cibles. Cette stratégie est déterminante pour la faisabilité et les risques relatives à l’expansion. L’analyse des marchés s’appuie sur les tendances, le profil démographique et la concurrence.
En effet,lorsque l’entreprise identifie les attentes des consommateurs et l’évolution de la demande. Par exemple,selon FiBL les produits bio connaissent une croissance mondiale de 8 % par an . L’Afrique ayant des terres cultivables immenses,peut miser dans ce sens pour faire émerger des géants de l’agroalimentaire. En outre,cette démarche est d’autant plus rassurante car les méthodes de production sont durables.
Par ailleurs, l’âge, le revenu et l’éducation influencent les habitudes d’achat. En Europe, les millennials privilégient l’e-commerce. En Asie à contrario, les classes moyennes recherchent des produits premium. Ce constat permet d’ajuster la stratégie d’entrée sur le marché.
Analyser les forces et faiblesses des acteurs locaux permet d’éviter les erreurs. Par exemple, au Brésil, les marques locales dominent le secteur des cosmétiques grâce à une connaissance intime des besoins capillaires. Il s’agit donc de mettre sur pied des produits dont le consommateur a besoin. Lesquels produits on peut faire évoluer au gré des besoins du consommateur.
Dans cette perspective d’étude du marché on peut utiliser des outils comme l’analyse PESTEL (Politique, Économique, Socioculturel, Technologique, Environnemental, Légal) pour évaluer le marché visé.

1.2. Culture et comportements des consommateurs : indicateurs stratégiques
La culture et les comportements influencent la perception des consommateurs. Les différences culturelles peuvent faire échouer une stratégie internationale. Que ce soit dans la stratégie marketing d’implantation ou dans la commercialisation des produits,il faudra toujours se rassurer que la démarche n’enfreint pas les normes culturelles du pays hôte. Ainsi,on évite de saper le personnal branding de l’entreprise.
En Inde, le symbole de la vache sacrée interdit l’utilisation de cuir bovin. Une marque de chaussures doit donc adapter ses matériaux. En revanche au Bangladesh voisin, c’est un animal dont la viande est consommée. Dans ce contexte,les données culturelles sont au coeur de la stratégie de pénétration de marché.
Outre la culture et les comportements, la langue,la communication constituent des facteurs essentiels. En effet, dans une une région comme le Québec, la langue française est obligatoire sur les emballages. Une mauvaise traduction peut nuire à l’image de marque, comme l’a montré l’erreur de Pepsi en Chine (« Bring your ancestors back from the dead »)(«Ramener vos ancêtres d’entre les morts». Pour l’anecdote,Pepsi avait un slogan(Come Alive With Pepsi) qui marchait bien dans la sphère occidentale,lequel une fois en Chine a été interprété de manière erronée par :«Bring your ancestors back from the dead». Pour eviter des tels scénarios il faut recruter des consultants locaux. On peut également utiliser des plateformes comme Hofstede Insights pour comprendre les dimensions culturelles (individualisme, distance hiérarchique, etc.).
2. Développer une proposition de valeur unique : un atout de l’Afrique
2.1. Identifier les atouts distinctifs : une stratégie essentielle
Les entreprises africaines disposent d’avantages compétitifs souvent sous-exploités :

Les ressources naturelles sont des atouts sur lesquels vous devez miser pour conquérir un nouveau marché. La Côte d’Ivoire et le Ghana fournissent 60 % du cacao mondial. Dans ce contexte,valoriser un cacao équitable et traçable répond à la demande des consommateurs européens soucieux de l’éthique. Un marché juteux qui ferait le plus grand bien à l’économie des pays exportateurs. Autre cas, le wax néerlandais, inspiré des tissus africains, génère 200 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Les artisans africains peuvent capitaliser sur l’authenticité de leurs créations. C’est ce qu’a fait la marque kényane Kiondo. Elle exporte des paniers tressés en fibres naturelles vers l’Europe. Sa démarche est de mettre en avant leur durabilité et leur histoire culturelle.
2.2. Innover pour se différencier : l’autre stratégie
L’innovation permet de se démarquer dans un marché saturé. Plus votre produit est novateur et répond à un besoin réel du consommateur plus vous avez des chances que l’implantation se passe bien. La startup nigériane LifeBank l’a bien compris. Elle utilise des drones pour livrer du sang dans les zones rurales, une solution adaptable à d’autres pays en manque d’infrastructures. En terme de modèle économique l’abonnement, comme le propose la marque sud-africaine Yebo Fresh pour les produits alimentaires, fidélise les clients et stabilise les revenus. Sur Facebook,la marque a une page qui a pratiquement cinq étoile en notation de satisfaction client. Un fait essentiel dans l’image de marque. Il s’agit donc de mener des études de design thinking pour cocréer des solutions avec les consommateurs cibles.

3. Investir dans la technologie et l’innovation : clé de la performance
Investir dans la technologie et l’innovation, c’est les bases du futur d’une entreprise. C’est inscrire la continuité de réadaptation dans l’ADN de l’entreprise. Il s’agit de rester au contact de l’évolution technologique de l’humanité. Par exemple la génération Z a un rapport intrinsèque à la technologie et aux réseaux sociaux. Dans ce contexte,investir dans la technologie et l’innovation permet de développer leur pleine potentiel.
3.1. Adoption des nouvelles technologies
L’adoption des nouvelles technologies est la première fenêtre vers la réinvention d’une entreprise. À mesure que les générations de consommateurs changent,il faut se réapproprier les canaux de chaque génération. Aujourd’hui la technologie réduit les coûts et élargit la portée des entreprises. Une publicité sur Tiktok engendrera autant d’enthousiasme que si on avait recruté une agence spécialisée. De plus,l’e-commerce est une solution pour les entreprises. La plateforme jumia, présente dans 11 pays africains, permet aux PME d’exporter sans investir dans des réseaux de distribution physiques.
Également ,des logiciels comme SAP Logistics optimisent les stocks et les délais de livraison, critiques pour respecter les standards internationaux. La société ghanéenne Kwik Delivery utilise une application mobile pour connecter les livreurs aux entreprises, un modèle réplicable en Asie du Sud-Est.
3.2. Encourager la recherche et le développement (R&D)

Investir en R&D permet de renforcer la compétitivité à long terme. Dans cas de figure,la collaboration universités-entreprises : Au Rwanda, l’Université Carnegie Mellon collabore avec des startups tech pour développer des solutions IA en agriculture. Par ailleurs,on peut disposer de ses propres laboratoires internes. La marque tunisienne Saphon Energy a créé une éolienne sans pales grâce à une équipe dédiée à l’innovation. Les pays africains allouent en moyenne 0,5 % de leur PIB à la R&D contre 2,5 % dans l’OCDE (source : UNESCO). Une disparité qui n’est pas sans incidence sur la facilité des uns à gagner des parts de marché. Et la difficulté des autres à en faire de même.
4. Établir des partenariats stratégiques
4.1. Alliances locales et internationales : un pas important pour l’entreprise
Les partenariats accélèrent l’accès aux marchés et partagent les risques. La société marocaine OCP s’est associée à des fermiers brésiliens pour adapter ses engrais aux sols tropicaux. Une démarche qui facilite une politique d’entrée sur le marché. Dans le même sillage,la startup nigériane Paystack, rachetée par Stripe, a utilisé ce partenariat pour étendre ses services de paiement en ligne. L’avantage étant de bénéficier des réseaux existants et des connaissances réglementaires du partenaire.
4.2. Réseautage et collaboration sectorielle
Le réseautage et la collaboration sectorielle est un allié de taille dans une stratégie de conquête de marché. Les réseaux professionnels ouvrent des portes. Les milieux des affaires étant un cercle fermé,on y accède qu’en disposant d’un carnet d’adresses de confiance.

Les forums économiques constituent un des moyens de réseauter. Par exemple on peut se faire des contacts lors du sommet Africa CEO Forum. Il connecte les dirigeants d’entreprises africaines avec des investisseurs globaux.
De plus on a les clusters sectoriels qui sont aussi des maillons essentiels. Le cluster textile éthiopien, soutenu par l’ONUDI, attire des géants comme H&M en mutualisant les compétences. Participer à des salons professionnels (ex : ANUGA pour l’agroalimentaire) pour prospecter et benchmarker est donc une action qu’il convient de mener.
5. Renforcer les capacités internes : une stratégie capital
5.1. Formation et développement des compétences
La formation et le développement des compétences est l’autre stratégie fondamentale dans une conquête de marché. Dans la mesure où un personnel qualifié est un pilier de la réussite à l’internationale. Il faut donc privilégieer les compétences commerciales. Il s’agit par exemple de les former aux Incoterms 2023 ou aux techniques de négociation interculturelle. Ajouter aux compétences commerciales,les compétences techniques sont d’une complémentarité viable. Ainsi,la certifications en gestion de projets (PMI) ou en analyse de données (Google Analytics) sont des exemples de compétences techniques à faire acquérir son personnel.
À titre illustratif,le groupe Ivoirien NSIA a formé ses équipes à la finance islamique pour pénétrer les marchés d’Afrique de l’Est. Une démarche qui prouve qu’on entre marché international qu’en prenant en compte d’abord la culture du lieu. Le produit peut être vendeur à x lieu et ne pas se vendre dans un x autre lieu. La différence n’étant pas que la qualité a changé mais tout simplement qu’on a pas pris en compte ce que chaque région a comme valeurs culturelles d’acceptation.
5.2. Gestion de la qualité : pour conquérir l’international

Illustration norme ISO
Les normes internationales (ISO, FDA) sont des sésames pour exporter. Les consommateurs occidentaux et asiatiques passent un lap de temps considérable à lire l’étiquette d’un produit. Partant de ce constat,ne pas prendre en compte l’importance de la certification de vos produits dans les normes internationales est une erreur. Ces certifications garantissent que vos produits sont testés et approuvés. Et donc,gage de confiance qui engendrera des part de marché. La certification Fairtrade a permis au café éthiopien de quintupler ses ventes en Europe. Au-delà de la certification,il faut asseoir une amélioration continue du produt. En ce sens, l’application de la méthodologie Kaizen (amélioration continue) aide à réduire les défauts de production. Côté statistique,les chiffres sont formels :70 % des échecs à l’exportation sont liés à des non-conformités qualité (ITC).
Conclusion
Pour conquérir les marchés internationaux, les entreprises africaines doivent combiner une analyse rigoureuse, une innovation ciblée et des alliances stratégiques. Pour ce faire,il convient de capitaliser sur leurs atouts uniques à savoir : les ressources naturelles, artisanat, agilité dont regorge le continent. Elles doivent investir dans la technologie et les compétences. De cette façon,elles peuvent transformer les défis de la mondialisation en opportunités. L’exemple de sociétés comme Dangote Cement (Nigéria) ou Ecobank (Togo) ou encore MTN (qui opère au Moyen-Orient) prouve que l’ambition africaine a sa place sur l’échiquier mondial. Ainsi,l’internationalisation n’est pas une option, mais une nécessité. Une nécessité pour créer de la résilience économique. Les entreprises africaines qui osent s’adapter et innover aujourd’hui construiront les empires de demain.